«J’observe Pascal, deux ans passés et nouvellement arrivé à l’école, debout devant le chevalet. Il vient de terminer sa peinture.
Pour la faire sécher, il va devoir la suspendre avec de grosses pinces à linge.
Son entreprise semble ne pas parvenir à le satisfaire et il regarde ses mains avec dépit car elles sont, après plusieurs tentatives, pleines de peinture.
Je m’approche, lui propose de l’aider à placer sa peinture pour qu’elle sèche, et d’ôter son tablier sans trop de dommages pour ses vêtements.
Il accepte et paraît content d’avoir reçu ce soutien.
Je lui dis : “Pascal, est-ce que tu voudrais que nous allions tous les deux voir le matériel de “se laver les mains” ?”
L’idée lui plaît et nous nous approchons d’une petite table, évidée en son centre pour contenir une petite bassine, sur laquelle sont posés, bien rangés, un broc en plastique avec une grande anse, un porte-savon avec une savonnette, une brosse à ongles et une belle éponge.
Sous la table, il y a un seau et une petite serpillière. Au mur, un essuie main est suspendu à un joli crochet.
Dans la classe, ce matériel est localisé près d’un lavabo accessible aux petits enfants.
Je lui propose de se placer à ma gauche (de sorte qu’il ait une vision claire de mes actions) et je lui dis que je vais lui présenter ce travail.
Je lui montre tous ces jolis objets en ayant à cœur de lui signifier, par mon attitude, que je suis, moi aussi, très impatiente de vivre ce moment et il semble (ce que je recherche) très intrigué par mon enthousiasme.
J’entreprends alors, avec des gestes particulièrement soignés et précis, de décomposer lentement toutes les actions successives que comporte l’acte de se laver les mains.
Sous le regard de Pascal, je prends le broc, le remplis d’eau, revient vers la table en le portant avec grande précaution pour ne rien renverser, verse cette eau dans la bassine…
Puis, je trempe mes mains dans l’eau, je prends la savonnette que je fais tourner dans mes mains jusqu’à ce que de la mousse apparaisse, je pose le savon sur le porte savon et frotte mes mains avec application l’une contre l’autre…
Je me rince et je fais tomber les petites gouttes d’eau au dessus de la bassine.
Pascal commence à avoir très envie lui aussi de tremper ses petites mains dans l’eau !
Je lui souris et lui rappelle que maintenant “c’est mon tour” mais que tout à l’heure il pourra lui aussi se laver les mains avec délectation…
Il me reste à lui montrer comment terminer son travail, ce que je m’applique à faire sans accélération ni précipitation qui apporteraient de la confusion dans son esprit.
Vider l’eau dans le seau, puis dans l’évier, essuyer toutes les petites gouttes d’eau du seau, de la bassine, du broc et celles tombées sur la table…
M’assurer qu’il n’y a pas d’eau par terre que je devrais essuyer avec la serpillière…
Et, pour Pascal, le moment tant attendu arrive : “Voilà, c’est à toi !”…
Le voilà qui commence à dérouler le long fil de son observation…
Certes, il est à présent, comme le sont tous les enfants en général, en recherche d’exactitude.
Il veut faire bien. Il cherche à atteindre le “modèle” que je lui ai suggéré.
Il n’y parviendra sans doute pas à l’identique pour cette première fois… et pas avant que beaucoup d’eau n’ait coulé sous… la table !
Qu’importe… Je ne suis pas dans une recherche de perfection de mouvements !
Il se sera “nourri” de son action et de son plaisir de faire et de refaire.
Tout au plus, face à une difficulté ou à un point d’intérêt particulier à éveiller, je pourrais recommencer cette présentation auprès de Pascal, avec une pleine confiance dans ses capacités.»